Cette correspondance vise à préciser les motifs qui nous obligent à prendre des actions concrètes pour dénoncer l’utilisation d’une image dégradante des Autochtones dans cette publicité. En fait, ce qui dérange dans votre message, c’est le renforcement des préjugés à l’égard des Premiers Peuples : des indigènes primitifs incarnés en « guerriers Eska » aux allures de « nonos », prêts à tuer pour protéger la «pureté » de l’eau depuis 8000 ans. Quoique cette dernière référence à l’occupation du territoire par les Anishnabek depuis des millénaires soit juste, on n’en entretient pas moins le mythe de « l’indien sauvage », qui fait peur et qui « d’habitude, vise mieux que ça » avec son arme….
L’eau est un symbole puissant chez les Premiers Peuples à travers les Amériques. L’eau représente la pureté et c’est à la femme que revient le privilège de pratiquer les cérémonies traditionnelles de l’eau. Entre autres, la cérémonie de la pleine lune rend hommage à la femme et à la vie qu’elle porte. L’eau est ainsi utilisée comme symbole de renouveau et de purification, comme élément protecteur de cette vie.
Nous comprenons que les concepteurs de votre publicité misent sur l’humour pour accrocher le consommateur. Ceux et celles qui côtoient les Autochtones sur une base régulière reconnaissent cette caractéristique propre à nos nations : nous aimons rire et l’autodérision ne nous fait pas peur. Autant l’humour est un outil exceptionnel pour passer des messages, autant peut-il créer l’effet inverse : malheureusement, plutôt que d’être sympathique, votre publicité des « guerriers Eska » crée un malaise et est blessant pour plusieurs.
Le Centre d’amitié autochtone de Val-d’Or travaille depuis 37 ans à lutter contre les préjugés et œuvre à améliorer les relations entre les Autochtones et les non-Autochtones. Les Abitibiens et les Témiscamiens sont conviés à un dialogue et sont invités à réfléchir sur les impacts du racisme dans notre société. Depuis de nombreuses années, une campagne annuelle de sensibilisation pour l’élimination de la discrimination raciale est menée par le Centre d'amitié. Cette campagne de solidarité entre les peuples encourage un vivre-ensemble harmonieux sur ce territoire que nous partageons. Parce que l’ignorance engendre la peur et que toute intolérance plonge ses racines dans la peur, il nous est impossible de passer sous silence les préjugés véhiculés dans votre publicité. Nous ne pouvons accepter qu’une telle campagne de promotion soit diffusée – à une très grande échelle selon notre compréhension - campagne qui maintient une image dégradante des peuples autochtones.
Par respect pour les rapports harmonieux et constructifs qui se tissent au quotidien entre les peuples de l’Abitibi-Témiscamingue, nous osons croire que vous réviserez votre stratégie marketing en cessant de diffuser votre publicité. Nous sommes d’avis que cette publicité ternit les liens et porte ombrage à tous les efforts déployés pour casser les préjugés tenaces à l’égard des Autochtones.
Acceptez, monsieur, mes salutations distinguées.
La directrice générale,
Edith Cloutier
c.c. Médias régionaux
Lettre ouverte à : Monsieur Jim Delsnyder, président, Eaux Vives Water